Notre écosystéme économique, social et politique est depuis quelques années chahuté. Les diverses mutations auxquelles il est sujet nous amène à revoir considérablement notre appréhension des entités productrices de valeur que sont les entreprises, aussi bien au travers de notre consommation de leurs bien matériels et immatériels, que dans notre rapport au travail lorsque nous en sommes les collaborateurs.

Le véritable sujet, celui dont les implications sont les plus grandes, celui dont la gestion avec plus ou moins d’habileté et de justesse fait universellement la différence est celui du sens. Pour les entreprises, l’objet fluide et catalytique de leur projet, qui porte le sens et crée l’expérience, est la marque.

Par analogie, cet interface intelligente, que constitue la marque pour les publics internes et externes de l’entreprise, possède un système d’exploitation : la plateforme de marque. Ce système permet à l’ensemble des applications ou fonctions logicielles, que sont le management, le marketing, l’innovation, le commerce, ou encore la communication, de fonctionner avec succès comme un ensemble cohérent, poreux, transversal et synergique.

La plateforme de marque est à la fois une méthode et un outil, permettant de dégager les dimensions propres à construire une marque forte, singulière, en mouvement, une marque tournée vers le futur et le collectif. La plateforme de marque sert de courant porteur à la stratégie. Elle canalise l’énergie et les ressources vers un idéal qui doit résonner avec les attentes des parties prenantes : clients, collaborateurs et actionnaires (« stakeholders »). Elle s’utilise donc pour modeler la stratégie, connecter les innovations dans une démarche lisible et focaliser la communication, sans déperdition d’énergie et de ressource.

L’ABSENCE DE PLATEFORME DE MARQUE EXPOSE L’ENTREPRISE À DES RISQUES MAJEURS

On distingue trois risques fondamentaux et universels pour les entreprises ne mettant pas la question du sens en haut de leur liste de priorités stratégiques.

Le premier est celui que l’on pourrait qualifier de boulimie tactique. En résumé, se battre sur tous les fronts opérationnels : volumes de vente, stratégies de prix ou premium, tentatives d’innovation technique ou technologique, diversifications tout azimut, programmes hasardeux de fidélisation ou de relation client, acquisitions plus ou moins réussies… Cette dispersion amène plus de confusion qu’autre effet positif sur les parties prenantes, et in fine plus de perte et de frustration : pour les décisionnaires et managers de l’entreprise, cela revient à toujours plus d’efforts et de ressources consommées, pour toujours moins de résultats.

Le second risque, particulièrement saillant à l’ère des « start-upers » et des nouveaux modes de vie, est la fuite des talents. La multiplication des stratégies et tactiques, souvent déceptives, risquent en effet de dégrader le capital humain de l’entreprise : les talents, les «bons», risquent de quitter le navire… Par effet miroir, les adeptes externes de l’entreprises, ces clients fidèles qui choisissent de manière arbitraire les biens de l’entreprise, peuvent souffrir de ces mouvements frisant l’incohérence et la « schizophrénie » commerciale, et finalement partir à la concurrence.

Enfin le troisième risque majeur auquel est exposée la marque peut être considéré comme la conséquence inévitable des deux premiers : la dégradation de la valeur de la marque. La valeur de marque est un capital pouvant être inscrit à son bilan. L’équation est assez simple, l’absence de sens engendre un moindre impact des stratégies commerciales, marketing et communication, ainsi qu’une dégradation progressive du capital humain, ce qui amène in fine, à une dévalorisation, ou une sous-valorisation du capital de marque.

LA PLATEFORME DE MARQUE, CONCEPT ABSTRAIT OU EXERCICE STRATÉGIQUE CONCRET ?

Dans les faits de sa conception, la plateforme de marque est à la fois une expérience de pensée, un exercice collaboratif, projectif et une réflexion sémantique. Elle amène les décisionnaires et acteurs de l’entreprise à se poser les bonnes questions pour apporter une réponse au pourquoi, au sens de son activité, en posant les mots les plus justes pour identifier sa singularité et sa valeur ajoutée dans toutes les dimensions de son organisation. Pour cela, on opère un recentrage, en se concentrant sur l’ADN de la marque, sur sa culture et son histoire pour formuler un certain nombre d’items structurants.

  • La vision : elle crée le premier trait vraiment différenciant d’une marque ; c’est son point de vue sur le marché, le secteur, la société ou même le monde. Toute belle marque naît et vit d’une idée, et donc d’un point de vue. La vision est bien souvent ce qui fédère le plus, aussi bien en interne qu’en externe.
  • La mission : une cause à défendre, un rôle à prendre, une bataille à mener sur le marché. En somme, c’est sa raison d’exister, ce qui manquerait au marché si la marque n’existait plus. La marque doit croire en quelque chose, avoir des revendications, un rapport aux normes de son environnement, mais surtout avoir une mission, qui peut même parfois aller au delà du marché.
  • L’ambition : le «Graal», l’idéal à atteindre, avec l’idée de changer son secteur, voire même le monde. L’ambition est la quête de l’ensemble des collaborateurs et doit être le carburant de la motivation au quotidien. Attention, l’ambition saurait en aucun cas être traitée comme un simple objectif mais comme un aboutissement.
  • Les valeurs : on parle de valeurs, on ne parle pas de ces mots répétés dans tous les rapports annuels ou communications corporate dénués de sens et d’aspérités. De vraies valeurs, ce sont des mots vrais, simples, extraits de l’ADN de la marque et partagés (partageables) par l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise.
  • La posture et la personnalité : elles définissent la façon dont la marque se comporte, sa manière d’être, mais aussi sa manière de faire, pour l’ensemble de ses publics et dans la relation client. Elles donnent également un champ sémantique, un cadre de ton et de style à l’expression.
  • La cartographie des publics : l’ensemble des parties prenantes externes y est répertorié. Pour chaque public, on dresse les parcours, les enjeux spécifiques, et la proposition de valeur de la marque correspondante.

L’IMPORTANCE D’UNE MÉTHODE RIGOUREUSE ET D’UN ACCOMPAGNEMENT EXTÉRIEUR

Pour réaliser cet exercice stratégique et par souci d’une certaine ouverture, d’un besoin d’idées nouvelles et de diagnostics francs, il est nécessaire pour l’entreprise de faire appel à un partenaire externe.

La méthode la plus adéquate, dite « inside-out », vise à faire rejaillir le point de vue et la volonté des individus qui composent l’entreprise, vers leurs publics externes. Cette méthode n’est d’ailleurs pas sans rappeler la maxime de ce célèbre yaourt, « ce qui se passe à l’intérieur se voit à l’extérieur ». Il n’y a en effet pas de marque plus attractive que celle dont on sait que les contributeurs en sont les premiers fans.

La méthode est cependant intimement liée à l’intervention d’un acteur extérieur dans le processus. Le rôle de cet intervenant est ainsi celui de l’agent catalyseur, métabolisant le fruit des échanges et des débats en une feuille de route précise. On pourra aussi comparer sa mission à une certaine forme de maïeutique, technique socratique consistant à faire accoucher les esprits de leurs connaissances. Il doit faire preuve de compétence dans l’application sémantique, pour mettre les mots les plus justes sur les idées développées. Dans une optique de travail à plusieurs mains, il doit également mettre à profit de son mandataire une réelle connaissance des marchés et de leur fonctionnement, des parties prenantes de l’entreprise, et de leurs enjeux.

Sur le modèle du consulting, l’intervenant va interroger un maximum d’individus au sein de l’entreprise, animer des entretiens individuels et des séances de travail en groupe, collecter le maximum de matière auprès d’un éventail le plus large possible de fonctions et niveaux hiérarchiques. Sa neutralité dans l’organisation permettra d’obtenir des échanges plus riches, plus libres et non biaisés par de quelconques considérations «politiques». Toute cette matière sera ensuite compilée, digérée, et challengée plusieurs fois avant d’être synthétisée et formalisée dans un brand book, ou livre de marque, qui sera le futur outil des décisionnaires et managers clés de l’entreprise.

La plateforme de marque est pour le dirigeant à la fois un outil, une démarche, et l’affirmation de sa volonté d’opérer un changement stratégique majeur pour son entreprise. Elle constitue un signal fort pour l’ensemble des parties prenantes, exprimant l’importance capitale de faire de la marque et du sens un véritable moteur de création de valeur pour tous.

Une fois formalisée, elle devient le socle stratégique de l’ensemble des prises de décision en matière d’organisation, de management, de marketing, de commerce et de communication, assurant une cohérence ultime des actions menées. Aussi inspirante que structurante, la plateforme de marque est un formidable outil au service du développement et du business.