UN MOMENT CHARNIÈRE…
Le secteur du vin subit une transformation importante sous l’effet combiné de l’arrivée de nouveaux consommateurs (millennials et autres jeunes individus parfois amateurs ou connaisseurs et bien souvent hipsters), de nouvelles offres (les vins du nouveau monde, les natures) et de nouveaux modes de consommation.
Animée par une envie d’authenticité et de découverte, cette nouvelle génération d’amateurs ne rejette pas du tout les traditions des anciens mais attendent qu’on leur offre de nouvelles expériences, comme une découverte, une cause à défendre, un moment particulier, une interaction sociale.
Les producteurs du monde entier, et surtout ceux qui ont un pré carré à défendre, tentent de surfer sur ces nouvelles tendances prometteuses mais difficilement saisissables. Dans leur grande majorité, ils ne font pas le travail d’introspection et d’adaptation nécessaire. Ils restent ainsi, pour sans surprise, figés dans des pratiques anciennes, rassurés par leurs marronniers, feintant leur compréhension des modes par un opportunisme souvent superficiel.
Avec une foule de nouveaux arrivants sur le marché, la plupart de ceux qui essaient de vendre le font souvent avec le jargon cryptique des amateurs de vin – avec des promesses de «baies de mûres», de «vieux cuir de selle» et de «sol forestier»… une façon tout à fait normale et conventionnelle de démarrer la conversation n’est-ce pas ? D’autres, alimentés par des données issues d’études malheureusement trop souvent complaisantes, poursuivent une stratégie a priori opposée mais tout aussi imparfaite, consistant à se plier aux exigences probables d’un public qu’ils ne connaissent vraisemblablement pas.
AUCUNE STRATÉGIE NE SEMBLE FONCTIONNER…
Alors que les ventes de vin augmentent dans l’ensemble, le manque de fidélité aux marques suscite des inquiétudes. Lorsque l’on interroge les gens du secteur, il n’est pas rare d’entendre quelques grognements (parfois avec des données pour les justifier) sur le fait que de nombreux jeunes consommateurs ne sont pas engagés. Bien sûr, ils sont prêts à essayer n’importe quoi, mais chaque nouvelle expérience remplace la précédente.
Ne faudrait-il pas passer d’un marketing de la mémoire à une valorisation du sens et du point de vue ?
La réalité est que les nouveaux consommateurs peuvent s’avérer farouchement fidèles s’ils y trouvent du sens, mais ils ne s’installent pas facilement dans une relation au long cours (c’est aussi vrai pour la fidélité à l’emploi et même au mariage…). Et bien que de grandes marques dans presque tous les secteurs l’aient bien compris, l’industrie du vin, dans l’ensemble, ne l’a pas toujours pas vraiment assimilé.
LES PRODUCTEURS DE VIN DOIVENT APPRENDRE À SE COMPORTER EN VÉRITABLES MARQUES (ET NON CE N’EST PAS UN GROS MOT)…
Il n’est pas seulement question de l’aspect de la communication ou toute autre chose superficielle. Il ne s’agit pas d’un besoin de belles étiquettes ou de noms farfelus. Il s’agit pour les établissements vinicoles et les régions viticoles de vraiment savoir ce qu’ils sont, ce qui les rend singuliers, puis d’utiliser leur singularité, leur culture, leur vision du produit et du métier pour élaborer une stratégie d’engagement des publics.
Tout commence par la nécessité de trouver l’histoire que l’on veut raconter. Elle doit être unique, convaincante et cohérente, en ligne avec les valeurs du domaine.
Une fois cette histoire formalisée par une idée positionnante et un récit de marque, il est nécessaire de penser les expériences, à chaque point de contact, qui donneront vie, corps et âme à cette histoire. Les points de contact sont aujourd’hui multiples : le réceptif (les dégustations, le caveau…), le web, les réseaux sociaux, les applicatifs, les événements et les salons, la distribution…
En plus de proposer des dispositifs créatifs, uniques et significatifs pour engager leurs clients (à l’intérieur et à l’extérieur des canaux de distribution standard), une approche globale de l’expérience client au travers de l’idée de marque permet de faire face aux contradictions entre le positionnement et l’offre commerciale.
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Nous vivons le début d’une renaissance de l’appréciation et de la consommation de vin. Il est logique qu’un public finalement passionné de ce qui fait sa culture, par tout ce qui parait authentique et artisanal finisse par tomber amoureux du produit le plus authentique et artisanal qui soit. Toutefois, pour établir une relation significative avec leurs clients, les établissements vinicoles et les régions viticoles doivent commencer à s’intéresser sérieusement à leur identité et l’expérience de la marque. Ils ne peuvent plus définir leur valeur dans une liste d’avantages fonctionnels ou de descriptions de saveurs.
Toutefois, pour établir une relation significative avec leurs clients, les établissements vinicoles et les régions viticoles doivent commencer à s’intéresser sérieusement à leur identité et l’expérience de la marque.
Ils doivent cesser de rechercher les tendances et commencer à regarder en eux-mêmes pour traduire la mystique d’un lieu, d’un terroir, de ses habitants et de leur passion en une expérience globale.
Les grands vins le font déjà. Il est maintenant temps que tous les acteurs se rattrapent.